Demain, l’ADEME créera la fresque des métiers positifs de la transition écologique… et oubliera le « dévendeur » !
Ici, demain. Série 1, épisode 10
Pour le dixième épisode de la série “Ici, demain”, on met les pieds dans le plat de l’actu. L’Ademe a imaginé le “dévendeur”. On applaudit l’initiative, la critique et encourage l’organisme à créer la fresque des métiers de la transition écologique.
Il n’y a pas photo. Ou vous êtes un jambon qui, depuis quelques semaines, se dore la couenne dans un four à ondes roses ou vous avez entendu parler de la publicité de l’Agence de la transition écologie (ADEME) sur le « dévendeur ».
Produite par l’agence Havas, l’idée qui sous-tend le scénario tombe sous le coup du bon sens écologique : au lieu d’acheter du neuf, il vaut mieux réparer, emprunter, louer, faire durer les objets... Dans la pub, on a un vendeur, nommé « dévendeur », qui décourage les clients d’acheter.
L’auteur du Dico des métiers de demain (et au demeurant de ces agitations du clavier) applaudit l’essai tout en considérant qu’il comporte quelques erreurs.
Le « dévendeur » n’invente pas
La première est de raisonner en mode binaire et de ne pas faire de pas de côté.
La publicité raconte qu’un « dévendeur » est un professionnel qui vous incite à ne rien acheter. De ce fait, un vendeur est quelqu’un qui vous pousse à acheter tout et surtout n’importe quoi. C’est blanc bonnet et bonnet blanc. Le « dévendeur » ne réinvente pas une manière de vendre. Il fait juste le contraire de ce que fait un vendeur. On reste donc dans le même cadre bien étriqué de la consommation avec le versus non-consommation.
J’ai l’outrecuidance de penser que la transition écologique ne se ferra pas seulement en faisant l’inverse de ce qu’on fait jusqu’à maintenant. Il faut en priorité réinventer d’autres manières de faire en privilégiant le plaisir sur l’injonction contradictoire.
Du malheur au monde
« Mal nommer les choses apporte du malheur au monde, » disait Camus.
Avec le « dévendeur », on alimente le malheur du monde. En utilisant ce mot, les vendeurs se sentent déconsidérés par la caricature faite de leur boulot. Résultat, au lieu de les inciter à modifier leurs pratiques et les faire évoluer vers des manières de faire plus responsables, ce genre de communication ne peut que les braquer.
On aurait préféré un vendureur ou un vendeur-conseil en durabilité de la planète. Ou encore transivendeur un vendeur qui contribue à la transition écologique. Ce sont les deux mots qui me viennent. En s’y mettant ensemble, on aurait pu trouver un nom plus percutant et valorisant pour cette activité de conseil responsable.
Du négatif sclérosant
Le troisième écueil du « dévendeur » est que le métier de ne fait pas rêver. Est-ce qu’un jeune voudrait être demain « dévendeur » ? Certainement pas. Alors que faire rêver sur des métiers positifs va permettre à chacun de s’engager dans la transition écologique.
Bon, après cette tentative médiocre sur le plan conceptuel, mais réussie sur le plan médiatique, j’espère que l’ADEME va continuer à imaginer les métiers de demain en impliquant le maximum de personnes dans cette création.
Comment faire ?
La méthode utilisée par le Dico des métiers de demain consiste à considérer que les métiers de demain vont résulter du croisement de trois choses :
Les défis sociétaux à relever
Ils sont nombreux. Outre le réchauffement climatique, il faut, par exemple, réussir à nourrir de plus en plus de monde, diminuer les inégalités, apprendre à utiliser des technologies qui résolvent des problèmes sans asservir l’homme à des machines…
Des technologies
Outre l’intelligence artificielle si bavarde en ce moment, il y a la biologie synthétique, la génétique, la blockchain, la physique quantique…
Des innovations
Recyclages, diminution de la consommation d’énergie, nouveaux carburants… Du côté de la transition, la liste est longue. Les utiliser pour imaginer de nouveaux métiers ne peut que les valoriser et donner envie d’inventer en explorant de nouvelles pistes.
En croisant ces éléments, on imagine des métiers et on crée des mots pour les nommer.
Même si le Dico des métiers de demain n’a pas encore consacré un chapitre à la transition écologique, il y en a plusieurs dizaines dans les 170 métiers de demain du Dico.
Quelques exemples.
Illustration Olivier Fontvieille
Frugologue
Ingénieur du plus avec moins
Le frugologue…
Conçoit des solutions abordables et durables avec très peu de moyens.
Convertit l’adversité en opportunité.
Produit des solutions qui amènent plus de valeur aux consommateurs tout en utilisant moins de ressources.
Identifie les vrais problèmes et cherche des réponses simples.
Froigivilliste
Refroidisseur de ville
Le froigivilliste
Évalue les impacts de la chaleur sur une ville : repérage des populations les plus vulnérables, identification des îlots de chaleur…
Anticipe les pics de température.
Prévoit les actions à mener lors des coups de chaleur : fermeture des écoles, accueil dans des lieux climatisés…
Sensibilise la population aux effets de la chaleur.
Incite les citoyens à ajouter plus d’arbres dans leurs propriétés.
Propose des solutions pour diminuer la chaleur des villes : végétalisation, climatisation naturelle, création de courant d’air, peinture des surfaces extérieures…
Illustration Olivier Fontvieille
Energohomme
Exploiteur d’énergies humaines
L’énergohomme…
Conçoit des dispositifs permettant de récupérer l’énergie produite par l’homme lorsqu’il effectue des actions comme la marche, le pédalage, la course et l’énergie thermique qu’il dégage.
Envisage des méthodes pour transformer l’énergie humaine en électricité.
Met en place les usages de cette énergie humaine : chargement d’appareils numériques, éclairage d’une rue, alimentation d’une salle de sport, d’un hôtel…
Crée des produits basés sur l’utilisation de l’énergie humaine : machines à laver, dynamo de rechargement des appareils électriques…
Résilienceur
Ravaudeur de systèmes altérés
Le résilienceur
Analyse la résistance et les fragilités des systèmes technologiques, économiques, écologiques…
Anticipe leurs défaillances.
Identifie les traumatismes que les chutes et défaillances peuvent provoquer.
Envisage des systèmes qui, outre surmonter les chocs, s’en nourrissent.
Illustration Olivier Fontvieille
Immovoygiste
Voyagiste de l’immobile
L’immovoygiste est un tour opérateur spécialisé dans le tourisme de proximité et le voyage sans déplacement. L’immovoygiste…
Imagine des moyens ludiques, pédagogiques pour inciter les habitants à voyager en restant chez eux.
Conçoit des séjours dans le quartier offrant un vrai dépaysement.
Accompagne les aventuriers du local dans leur périple.
Valorise les atouts du tourisme immobile : protection de la planète, recentrage sur soi…
Futureusement vôtre !
Anne-Caroline