Avec “Ici, demain”, une prévision vous propulse chaque semaine dans le futur. On l’explore et on la décode. Une agitation du clavier 100% intelligence humaine avec des images créées par une intelligence artificielle.
Chéri, comment trouves-tu ma nouvelle coupe ? C’est Robert qui l’a faite.
Pas besoin de le préciser. Tous les robots s’appellent Robert et tous les Robert sont devenus coiffeurs.
Mon Robert est vraiment intelligent. Il m’a fait une coupe qui sera tendance l’année prochaine.
Est-ce que demain votre coiffeur sera un robot qui se nomme Robert ?
Si l’on en croit Sam Altman, le fondateur d’OpenAI, la société à l’origine du fameux ChatGPT, le coiffeur ne sera jamais remplacé par une intelligence artificielle. Il fait partie des 34 métiers qui peuvent s’amuser des avancées des intelligences artificielles.
Sam Altman considère que le métier de coiffeur ne va pas être automatisé, car il nécessite une intelligence humaine qui ne peut pas être reproduite par des algorithmes.
Pour lui, les métiers non automatisables sont ceux qui requièrent de la créativité, des compétences manuelles, de l’empathie et du sens du relationnel. Ils doivent aussi gérer des imprévus et des situations complexes. Les machines peuvent trier des millions de données en un clin d’œil, mais elles ont un mal fou à prendre en compte un événement non attendu.
Le coiffeur peut donc continuer à aiguiser ses ciseaux alors que le radiologue peut ranger sa blouse blanche. L’intelligence artificielle pouvant comparer l’image d’une tumeur avec des millions d’autres va vite le détrôner. L’IA dopant des logiciels de traduction et d’écriture, notre toubib pourra aller boire un coup avec les traducteurs ou les journalistes qui relayent les résultats sportifs ou dissertent sur la météo du jour. Ensemble, ils pourront pleurer dans les robes des avocats.
Aux États-Unis, un site DoNotPay s’affiche comme le premier robot avocat. Le service juridique en ligne utilise l’IA pour, par exemple, contester les contraventions de stationnement. Un cabinet d’avocats a décidé de porter plainte contre l’IA pour exercice de la profession sans licence.
Enfin, comme la liste des métiers préservés de l’IA de Sam Altman semble exotique en comprenant les métiers d’abatteurs de viande, de conducteurs d’engins de pavage et de boulonneurs de toits dans l’industrie minière, on se demande si elle est vraiment sérieuse.
En prime, elle considère que les choses vont rester en l’état. Comme on le découvre chaque jour, l’IA fait des progrès fulgurants et personne ne sait réellement où elle va s’arrêter.
Pour l’instant, si les IA ne sont pas encore passées au bac des salons de coiffure, elles sont en train de s’essuyer les algorithmes sur leurs paillassons.
C’est déjà demain
Prise de rendez-vous
2018, le téléphone sonne, une coiffeuse décroche. À l’autre bout du fil, son interlocutrice cherche à obtenir un rendez-vous. En quelques phrases, l’affaire est entendue : ce sera pour mardi matin.
Une scène banale ? Pas complètement. Le client ne veut pas se refaire le portrait. C’est un robot de Google.
Comment échanger avec un robot autour de la date d’un rendez-vous, c’est un poil sans intérêt, les coiffeurs vont vite faire en sorte que les IA se débrouillent entre elles pour le planning des rendez-vous. 20 minutes pour une coupe, plus pour une couleur… Cela ne devrait pas être sorcier pour des machines intelligentes.
En prime, elles se vérifieront les unes et les autres et éviteront que les coiffeurs voit leur carnet de rendez-vous remplis par des avatars.
Choix de la coiffure
Il existe un nombre impressionnant d’applications de simulation de coiffure. On photographie son visage et on peut apparaître avec des cheveux longs, cours, frisés, bleus, roses… Rien de bien sophistiqué, c’est le principe des filtres Snapchat.
Dans un avenir proche, les IA afficheront seulement les coiffures que vous pouvez aimer et qui vous vont bien. Vous likez ou vous attardez longtemps à regarder les coupes mulet avec cheveux bleus. La machine considère alors que ce rétrofuturisme capillaire va vous séduire.
Si demain, l’IA affiche sur le miroir du salon de coiffure votre tête avec une coupe qui décoiffe, elle remplacera progressivement les humains qui tentent de faire de leur mieux avec les « Je veux une coupe courte, mais en gardant mes cheveux longs… Il faut dégager la… Un peu, pas trop tout de même… » de leurs clients.
En plus l’IA pourra prédire les coiffures les plus en vogue dans les prochains temps.
La société de cosmétiques Millies a utilisé ChatGPT et Bard, pour prédire les coiffures les plus en vogue de 2024. Comme vous pourrez le constater, la prédiction ne fait pas dresser les cheveux sur la tête.
Les soins : shampoing, couleur, coupe
Les tentatives d’automatisation de la coiffure sont nombreuses, avec des brevets remontant à la fin des années 1800.
On retiendra juste le Flowbee, un système de coupe de cheveux automatisé star du téléachat dans les années 80. George Clooney raconte qu’il l’utilise depuis la nuit des temps pour se couper les cheveux.
Des chercheurs du laboratoire d’informatique et d’intelligence artificielle (CSAIL) du MIT et du Soft Math Lab de l’université de Harvard tentent de corriger la coupe avec un bras robotisé équipé d’une brosse à cheveux sensorielle. Ce robot pourrait servir de coiffeur personnel à des individus à mobilité réduite ou des personnes âgées.
Le Head Care Robot peut shampouiner la tête des clients. Le robot mesure le crâne du client, applique le produit pour le shampoing, et utilise ses 24 doigts pour masser en douceur le cuir chevelu.
Dans la robotisation de la coupe de cheveux, on donne le robot d’or à Shane Wighton. Pendant la période de confinement, cet ingénieur a créé un robot capable de lui couper les cheveux en n’utilisant que des ciseaux. Un exercice périlleux avec un résultat loin d’être parfait, mais impressionnant pour un prototype.
La discussion
On vient dans un salon de coiffure pour une coupe, une couleur, un brushing… mais pas seulement. C’est aussi un moment pour parler de soi et des grands sujets du moment. C’est là qu’on déplore l’annulation de la foire aux haricots et qu’on actualise son carnet des petites et grandes tromperies.
Avec ChatGPT et les outils de synthèse vocale, le coiffeur va vite être détrôné. Son clone numérique se souviendra des précédents échanges, fournira les informations qui font frétiller le coiffé, tiendra le crachoir même pendant le temps de prise de la couleur ou le séchage.
En prime, il pourra séduire les intellos en devenant, par exemple, un clone numérique de Nietzsche. Brightness.ai a fait assimiler toute l’œuvre du philosophe à une IA. On pourra donc converser avec lui.
Et si demain votre coiffeur était un robot !
Cela ferait le bonheur des uns
Dans un monde imparfait, le malheur des uns peut faire le bonheur des autres.
Quelques personnes seront contentes. Elles n’auront plus à supporter…
La coupe bâclée où il faut quémander des coups de ciseaux supplémentaires.
Le cassage de nuque en arrière sur bord de lavabo et le mouillage avec une eau trop froide puis trop chaude et le traditionnel : « Je vous fais un soin ? »
Les interrogatoires palpitants : « Vous avez des enfants ? Vous travaillez dans quoi ? Vous connaissez notre démêlant miracle à la crème de courge ? »
Les blagues à répétition : « Savez-vous pourquoi les footballeurs viennent souvent chez le coiffeur ?… Pour être sûrs d’avoir une coupe. »
Éviter de se faire des cheveux blancs
Depuis la nuit des temps, les nouveaux outils font évoluer les métiers et provoquent des crises de panique.
Le 26 mars 1811, à Nottingham (Angleterre), des ouvriers de la bonneterie brisent les machines accusées de leur voler travail et salaire. Ce qu’on a nommé la révolte de « luddites » est célèbre, mais ce n’est pas la première contre les machines. En 1780, les ouvriers agricoles détruisaient les batteuses mécaniques.
Aujourd’hui, l’ennemi public des métiers se nomme l’IA. Comme tous les outils, cette machine va détruire et créer des métiers. Les experts optimistes affirment qu’il y aura plus de métiers créés que détruits. C’est la conclusion d’une étude de 55 pages que viennent de publier des chercheurs de l’Organisation Internationale du Travail.
Le fameux Sam Altmann et sa liste des préservés de l’IA estime que ChatGPT et les futurs outils qui en dérivent pourraient avoir un impact sur la moitié des tâches accomplies par environ 19 % des travailleurs. 80 % verraient au moins 10 % de leurs tâches affectées par ChatGPT.
Il n’en demeure pas moins que si j’avais Sam Altmann en face de moi, je lui dirais qu’il faudrait passer sa réflexion au peigne fin avant de l’assener comme une vérité. Sa liste peut empêcher les métiers concernés de se préparer aux évolutions futures.
Heureusement, ce n’est pas ce que fait le secteur de la coiffure. Cette activité a commencé sa transformation en étant confronté à un manque de personnel et des charges de plus en plus élevées. Quelques exemples en témoignent :
À La Fabrica dans le 9ᵉ arrondissement de Paris, une quarantaine de coiffeurs louent des sièges à l’heure, la journée ou le mois, pour recevoir leurs clients. Dans ce « coworking » de coiffeurs, chaque artisan a sa spécialité : cheveux bouclés, extensions, couleur… Les coiffeurs constituent leurs réseaux en exposant leur coupe sur Instagram.
Le Loup propose à des patrons de salons de louer un siège à un coiffeur indépendant.
Pour conclure cette prévision sur les coiffeurs et l’IA, laissons la parole à l’avatar de Nietzsche qui pourra un jour remplacer votre coiffeur. Entre deux coups de ciseaux virtuels, il dit :
Le serpent qui ne peut changer de peau, meurt. Il en va de même des esprits que l'on empêche de changer d'opinion : ils cessent d'être esprit.
Avouez que c’est une manière élégante de dire que la prévision ne doit pas faire dresser les cheveux sur la tête des coiffeurs, mais les inciter à s’adapter.