Des mots du futur de la justice
Après un arrêt, la lettre du futur redémarre avec une série sur les mots du futur. On commence par trois mots de IA QU’À - Dico du futur de l’intelligence (et la bêtise) artificielle qui racontent comment les technologies peuvent redessiner la justice.
-Comme tous les secteurs, l’intelligence artificielle transforme la justice.
Les preuves constituent l’un des fondements des systèmes judiciaires. Établissant ce qui s’est passé (ou du moins, ce qui peut être raisonnablement établi comme s’étant passé), elle permet au juge de qualifier les faits.
Ces preuves évoluent avec la science (ADN, empreintes…) et le numérique (localisation par GPS, identification par caméras de surveillance, traces laissées lors de la navigation sur Internet..).
Cette transformation s’accélère. Demain, des intelligences artificielles analyseront toutes les données personnelles d’un individu pour reconstituer ses actions minute par minute. Les appareils domestiques pourront se transformer en moucharacouple . Lors d’un divorce, Monsieur Cuisine et autres robots proposeront une analyse détaillée du couple : temps consacré aux tâches ménagères, nombre d’altercations hebdomadaires… On passera dans l’ère du cryptotisme ou une justice utilisant des preuves cachées jusqu’alors.
Ces données seront tellement nombreuses et précises qu’on finira par pratiquer une algojustice ou une justice rendue par un algorithme. C’est déjà le cas dans certains prétoires à l’étranger. Si cette justice manque d’humanité, elle évite aussi d’être victime d’une décision arbitraire d’un juge.
L’algojustice vous effraie. Rassurez-vous, son développement risque d’être contrarié à la multiplication des fausses preuves. Avec les deepfakes, nous sommes entrés dans l’ère du faux. Les fausses, images, vidéos et audios se répandent et deviennent de plus en plus vraies. Même si les chercheurs développent des technologies de détection, les faussaires gardent une longueur d’avance. Ces technologies étant accessibles à tous, chacun va pouvoir prochainement fabriquer de fausses preuves plus vraies que les vraies.
Face à l’impossibilité croissante de distinguer le vrai du faux, un nouveau système juridique pourrait émerger : la schrodingtice. Ce néologisme s’inspire de l’expérience de pensée du physicien Erwin Schrödinger qui, en 1935, imagina un chat enfermé dans une boîte avec un dispositif potentiellement mortel. On considérait l’animal comme simultanément vivant et mort.
La schrodingtice serait une justice qui opère avec plusieurs états de culpabilité simultanés, considérant que les preuves sont à la fois vraies et fausses jusqu’à ce qu’une certitude puisse être établie — si tant est qu’elle puisse l’être.
Cette approche quantique de la justice pourrait devenir notre réalité dans un monde où la vérité factuelle devient de plus en plus insaisissable.
De nouveaux mots la semaine prochaine. En attendant protégez-vous de tous les maux provoqués par cette avalanche de technologies et nouvelles peu désirables.
Sourires. AnneCaro