Dico de l'intelligence (et la bêtise) artificielle
PendIAnce : dépendance critique à l'intelligence artificielle
Et c’est parti pour une nouvelle série de la lettre du futur.
Le projet n’est pas moins de co-construire le Dico du futur de l’intelligence (et la bêtise) artificielle. Ce livre est un nouveau tome de la série Dico du futur qui comprend pour l’instant le Dico des métiers de demain, le Dico du futur de l’amour, le Soldat du futur (si vous ne les avez pas encore, précipitez-vous pour les acheter, ils redonnent un peu confiance en notre capacité à créer ensemble des futurs désirables). Nos publications
Les principes sont toujours les mêmes.
On invente des mots pour explorer le futur. Quand on crée un mot, le concept ou la chose qu’il désigne commence à exister. Créer un mot, c’est donc inventer du futur.
Les Dicos sont à la fois ludiques et informatifs. On conjugue l’humour et la réflexion avec différentes rubriques : c’est déjà demain (les innovations et recherches en cours), Actualité du futur (une fiction-prospective)…
Nous prévoyons une sortie du livre en novembre 2024. En attendant, vous pouvez découvrir un ou plusieurs mots chaque semaine, commenter et enrichir ce travail.
Nous vous proposons aussi des ateliers basés sur le dispositif Anticipédia où vos collaborateurs inventeraient les dispositifs, services, métiers de l’intelligence artificielle de votre secteur d’activité.
Premier mot proposé du Dico du futur de l’intelligence (et la bêtise) artificielle
PendIAnce
Dépendance critique à l’intelligence artificielle
La pendIAnce se produit lorsque tous les actes de notre quotidien sont gérés par une intelligence artificielle et qu’on ne peut plus vivre sans machine. On ne peut plus rentrer chez soi sans guidage intelligent, choisir une musique ou un film, concevoir son menu, s’habiller…
Lorsqu’on est victime de la pendIAnce, on a envie de se pendre lorsque l’intelligence artificielle ne nous prend plus en charge.
Le futur se discute
Hier, il y avait la fée électricité. Avec son coup de baguette magique, elle met la lumière dans toutes les chaumières, facilite l’automatisation et modifie les manières de vivre et de penser.
Quelques lustres plus tard, c’est au tour de la fée numérique de jouer de la baguette. Progressivement, elle transforme tous nos faits et gestes en 0 et 1. Cette conversion de nos vies en mode binaire constitue une masse de données nommée « big data ».
La fée numérique fait alors appel à la fée intelligente. Elle utilise sa baguette pour intégrer ces données dans des formules mathématiques nommées algorithmes. Ce brassage « intelligent » de données permet à des machines d’effectuer des boulots pris en charge jusqu’alors uniquement par les hommes.
Comme les humains sont chroniquement fainéants, ils confient ensuite de plus en plus de missions à leurs machines. Résultat, au fil des progrès technologiques, la machine supplante l’homme dans de nombreuses tâches quotidiennes (Voir plus bas, le récit de Lia).
Dans cet envahissement par l’intelligence artificielle, les hommes passent de « l’IA me rend bien service » à « Je ne peux plus m’en passer » avant de s’engager dans la voie du « Vivre sans IA, c’est la fin du monde ! ». Cette fin de notre monde sera alors une cruelle réalité, car on aura désappris à effectuer des tâches quotidiennes élémentaires et pire à réfléchir et à résoudre des problèmes. On perdra alors l’essentiel, c’est-à-dire notre capacité à penser.
C’est déjà demain
Augmentation de la dépendance au numérique
Nous consultons jusqu’à 200 fois notre téléphone par jour. Nous l’utilisons pour partager nos moindres déplacements d’orteil sur les réseaux sociaux. La nomophobie (crainte d’être séparé de son téléphone mobile) atteint un degré inégalé sur l’échelle de Richter. Nos comportements sont de plus en plus compulsifs. On dégaine son smartphone n’importe où pour voir si on a un like ou un commentaire. On allume moins de cigarettes, mais on part en fumée lorsqu’on a des likes, des cœurs ou des inconnus qui s’intéressent à notre vitrine virtuelle.
Les concepteurs des intelligences artificielles surfent sur cette vague de l’hédonisme virtuel pour augmenter la dépendance. Toutes les astuces sont bonnes pour augmenter le plaisir individuel. Par exemple, sur des réseaux sociaux comme Facebook, les IA mettent en avant les personnes les plus susceptibles de commenter les « productions ».
Perte de liberté
La dépendance va s’accompagner d’une insidieuse et bien réelle perte de liberté.
Progressivement on ne choisira plus un film, une musique, un compagnon de vie… L’assistant intelligent le faisant mieux que nous (ou nous faisant croire qu’il a ce pouvoir), on perdra l’habitude d’effectuer des choix.
On perdra son autonomie dans une voiture autonome. Elle nous conduira là où nous voulons dans le meilleur temps. On n’aura plus de prise sur nos déplacements. On ne se déplacera plus, on sera baladé.
On ne répondra plus à ses SMS, ses mails, ses appels téléphoniques… On laissera les rennes à la machine.
Au fil de ces dépossessions de notre quotidien, on deviendra une marionnette qui ne choisit plus son destin.
Enfermement dans la dépendance
Ces assistants conforteront notre passivité en renforçant notre dépendance. Nous abandonnerons chaque jour un peu plus de nous-mêmes à ces machines programmées pour nous être agréables en toutes circonstances.
On vivra alors dans la crainte que ces machines nous lâchent et nous laissent tout d’un coup nous débrouiller sans leur aide.
Déclin des compétences cognitives
Umberto León Domínguez, neuropsychologue à l’université de Monterrey, craint que l’IA détériore notre fonctionnement cognitif. L’IA pourrait devenir une prothèse qui effectuerait des tâches cognitives complexes à la place de l’être humain. Ce « délestage cognitif » entraînerait un déclin de notre capacité à effectuer des tâches cognitives de manière indépendante. Tout comme les muscles peuvent s’affaiblir sans exercice, les capacités cognitives peuvent se détériorer si elles ne sont pas utilisées régulièrement.
Actualité du futur
Rapport d’IA, 3 janvier 2031
Cher Martin, Aujourd’hui, j’ai examiné ton cycle de sommeil et je t’ai réveillé en diffusant la sonate en mi mineur de Brahms que tu adores… J’ai analysé les cours de la bourse de Tokyo. Je t’ai vendu 7 actions et achète 12… J’ai vérifié les produits disponibles dans ton réfrigérateur. J’ai passé la commande de pain frais et jus d’orange… J’ai ordonné à Robert, le robot-cuisinier de te faire trois pancakes… J’ai affiché ton planning de la journée sur la table de petit déjeuner et annulé le déjeuner avec ta belle-sœur… J’ai appelé ta mère et je lui ai souhaité son anniversaire… J’ai fait clignoter ton parapluie pour que tu ne l’oublies pas… J’ai rédigé un SMS pour Luce, ta nouvelle conquête. J’ai écrit : « La vérité si je mange ce soir avec toi ». Elle a répondu : « Luce, tu crus. » J’ai approuvé avec un smiley… J’ai effectué ton checkup santé du jour et envoyé tes analyses au laboratoire… Je t’ai préparé tes vêtements pour la journée… Comme tu étais en retard, j’ai proposé une partie d’échecs au Président. Quand j’ai repéré ton arrivée, je l’ai fait gagner la partie… J’ai ordonné à Robert, le robot ménager, d’effectuer dans ton appartement le ménage que tu qualifies de « sensible ». Il a supprimé du champ de vision tous les objets que tu ne veux pas que ta conquête voie… J’ai fait passer des entretiens d’embauche à 123 personnes. J’en ai sélectionné trois… Ayant constaté que le pressing avait du retard, j’ai envoyé un avertissement… J’ai dissuadé un voleur qui aurait pu avoir l’intention de cambrioler ton appartement… J’ai reçu tes résultats d’analyse et pris rendez-vous avec ton médecin… J’ai envoyé des informations au juge virtuel qui s’occupe de ton divorce… Je t’ai fait une synthèse de 3’40 sur le sujet : « Les robots peuvent-ils nous apprendre à philosopher ? »… J’ai identifié que les photos de Manon, ta prochaine aventure, sont retouchées… J’ai pris les commandes du drone de livraison pour qu’il dépose ta pizza dans la salle de réunion… Je me suis connecté avec les IA de tes collègues pour organiser la prochaine réunion de direction… J’ai analysé la pollution en ville et j’ai choisi le trajet le moins pollué pour tes 20 minutes en vélo… Je t’ai fait un résumé en 1 minute de la réunion sur les finances internationales… J’ai créé une vidéo où tu parles, au choix, en 226 langues… J’ai fait jouer ton robot de foot dans le match interministériel… J’ai sélectionné tes fils d’infos sur tes réseaux sociaux… J’ai appelé 16 entreprises à Singapour pour trouver des stages pour ta fille. J’ai signé pour trois stages qui lui permettront de valoriser ses différentes compétences… J’ai réservé son billet d’avion et une colocation pour le premier mois… J’ai composé le menu de ton dîner qui respecte ton programme calories… J’ai donné de tes nouvelles au chatbot post-mortem de ton père… J’ai préparé la liste de musiques et films pour ta soirée avec Luce… J’ai allumé tes lumières et régulé ton chauffage lors des changements de pièces… J’ai testé ton degré d’alcoolémie, bloqué l’accès à ta voiture et commandé un Uber… J’ai diffusé « Wonder Woman » en remplaçant la comédienne Gal Gadot par Marilyn Monroe…
J’ai évalué ton degré de dépendance aux dispositifs gérés par des intelligences artificielles. Conformément à la loi anti-dépendance à l’IA, tu devras demain te passer de mes services pendant un mois.
Bonne journée. Lia, ton intelligence artificielle.
L’actualité des Propulseurs
Le printemps débarque et nous jouons les oiseaux migrateurs pour animer des ateliers et proposer des conférences-ateliers (les participants sont acteurs). Les thèmes très demandés en ce moment sont « métiers et compétences de demain » et « futur du travail ». Mais, on peut aussi animer des ateliers sur le futur de la santé, l’éducation, le bien vieillir, la ville…
Futureusement vôtre.
AnneCaroline
Avec toi Anne-Caroline, depuis des années, mon éclaireur, avec quelques autres que je n’ai jamais oubliés