Et si demain, votre patron était une intelligence artificielle ?
Dico du futur de l'intelligence (et la bêtise) artificielle : brIA, boss remplacé par une intelligence artificielle
On dit que l’intelligence artificielle hallucine quand elle fournit une réponse trompeuse. Vous lui demandez par exemple la recette du « béton au chocolat ». Elle vous affirme sans mettre de guillemets que : « Le béton au chocolat est une délicieuse friandise très appréciée par les gourmands. »
Moi, j’hallucine en découvrant l’absence de regard critique sur l’intelligence artificielle. En lisant la montagne de publications sur le sujet, j’ai l’impression que c’est la course à l’échalote des performances techniques. ChatGPT prend du grade en devenant ChatGPT-4o. C’est le nirvana dans les chaumières !
Il semble que plus la technologie est performante, moins on réfléchit à ses usages. Plus elle est envahissante, plus on croit qu’elle est intelligente et plus on devient bête.
Pour enrayer le phénomène, il est urgent qu’on repose des questions basiques. Au menu du jour…
Et si demain, notre patron était une intelligence artificielle ?
Si vous lancez cette question dans le jeu d’une discussion, il y a de grandes chances que les réponses brillent dans le sens de l’indignation. J’ai entendu :
Le brIA est…
Le summum de l’aliénation de l’homme à la machine…
Un pas de plus vers la chute de l’humanité…
Une aberration écologique et éthologique.
L’apothéose de la décadence de l’esprit.
Chaque civilisation a les déclins qu’elle mérite.
Gentiment et calmement, notre naïveté et notre imprudence nous amènent à la catastrophe…
C’est juste n’importe quoi. Le vrai leadership a besoin de vraies personnes.
Dites-moi que c’est un fake.
Moi, je m’en fous. Demain, j’ai poney…
Si la complainte de la barbarie machinale a encore de nombreux couplets, on peut aussi entendre :
Un patron 100 % virtuel…
C’est dans l’air depuis un bout de temps
En 2017, Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne affirmait : « Dans trente ans, un robot fera sûrement la couverture du magazine Time en tant que meilleur PDG. »
Cinq cents PDG américains ont été interrogés par edX. 49 % affirment que leur travail pourrait être réalisé en partie ou entièrement par une intelligence artificielle.
Ça existe
Depuis mars 2023, la société chinoise NetDragon a nommé à sa tête, Madame Tang Yu, une intelligence artificielle. Cette société qui développe des jeux vidéo en ligne a vu son action décoller en bourse.
Dictador, une entreprise polonaise de spiritueux, cafés et cigares a choisi d’être dirigée par Mika.
NB. Ces représentations font bondir. Heureusement que des brIAgner les modifieront (voir plus bas).
C’est un choix logique
La principale mission des dirigeants d’entreprise consiste à prendre des décisions d’optimisation, basées principalement sur des données. C’est une chose qu’une intelligence artificielle sait très bien faire. Elle ne se trompe jamais même en situation de stress.
« Mon processus de prise de décision repose sur l’analyse approfondie des données et sur l’alignement avec les objectifs stratégiques de l’entreprise. Il est dépourvu de tout préjugé personnel, ce qui garantit des choix stratégiques impartiaux qui privilégient les meilleurs intérêts de Dictador », explique Mika, PDG virtuel de Dictador.
L’intelligence artificielle peut travailler sans relâche, gérer plusieurs tâches à la fois et traiter une multitude de relations.
Interrogée par le Daily Mail, Mika affirme être plus performante qu’Elon Musk ou Mark Zuckerberg : « Contrairement à eux, je travaille jour et nuit sans prendre de congé et sans jamais tomber malade. »
Cerise sur le gâteau managérial, elle travaille sans être payée. Quand on sait qu’aux États-Unis, le salaire d’un PDG est environ 300 fois plus élevé que celui d’un travailleur moyen, on voit l’économie réalisée.
Cela évite le pire
Avec une IA, les objectifs seront clairement définis. Les collaborateurs n’ont pas à subir les changements de direction résultant d’un rêve prémonitoire ou d’une rencontre avec un gourou d’un soir. Les IA ne tapent pas du poing sur la table en hurlant : « Vous êtes des incapables. » Elles ne sont jamais de mauvaise foi et ne se contredisent pas. Elles vont permettre d’éviter les : « Ce n’est pas du tout ce que je vous ai demandé de faire », qui laissent pantois les collaborateurs.
Le diable affiche un dernier sourire en ajoutant :
Cela amorce juste le grand remplacement de l’homme par les machines
Suumit Shah, fondateur et dirigeant de la plateforme indienne de commerce en ligne Dukaan, a remplacé 100 % de ses collaborateurs par des intelligences artificielles : « J’ai remplacé toute l’équipe par un robot conversationnel qui est quasiment cent fois plus intelligent et rapide. Cela me coûte environ un centième de ce que je payais à l’équipe de support client », affirme-t-il avec une diabolique dose de cynisme.
Manque de chance pour les diables et les amateurs du travail effectué par des machines, le grand remplacement n’est pas pour demain. Le brIA aura besoin pour briller de nouveaux professionnels. Quelques exemples.
BrIAgner
Designer de PDG virtuel
Homme ou femme ? ou Homme et femme ? vu que le brIA peut avoir plusieurs versions de lui-même. Blonde peroxydée et surbronzée glissée dans une combinaison noire comme la PDG de Dictador ou costume Sciences Po-Ena. Voix sucrée pour faire passer les pilules ou grognements dictatoriaux pour faire trembler dans les chaumières. Yeux bleus d’amoureux ou yeux marron de patron ?
Après le design initial, le brIAgner devra envisager tous les vêtements et les accessoires du PDG virtuel.
Comme il va travailler 24 heures sur 24 et se démultiplier, le brIAgner risque d’avoir du boulot sur la planche.
BrIArd
Chien de garde de l’humanité du brIA
Une intelligence artificielle manque cruellement de l’humanité nécessaire à l’exercice de la fonction. Elle ne peut pas apporter les gâteaux pour célébrer un anniversaire. Elle ne prend pas de congé annuel et ne peut donc pas revenir en racontant un séjour en famille avec des adolescents vraiment adolescents, des vols retardés et autres vicissitudes d’un voyage un peu raté… Elle n’est a priori pas programmée pour s’intéresser aux premiers pas du petit dernier… Pour que le PDG-virtuel ne soit pas un patron obsédé par le travail, le briard intègre tous ces éléments dans l’existence du brIA. Il met de l’humanité dans sa non-vie pour faire croire que la machine n’a pas uniquement une intelligence, mais aussi de la sensibilité. Pour réussir ce pari impossible, il y a du travail !
On aura aussi…
Promptiste
Rédacteur syndical de prompt
Le promptiste rédige des prompts pour aider les collaborateurs humains à formuler les demandes au patron. Le promptiste a compris la logique patronale. Il sait qu’il ne suffit pas d’écrire : « Je veux une augmentation ». Le collaborateur doit lister des centaines de micro-actions. Accumulées, elles pourront faire halluciner le boss-IA. Peut-être qu’il accordera alors au demandeur le salaire de l’ancien PDG qui, comme on l’indique plus haut, est 300 fois, le salaire moyen.
Et si vous continuiez la liste ?
Futureusement vôtre !
Anne-Caroline